· Nos Gins d'ichi ·
LE PROGRÈS AGRICOLE
Une nouvelle œuvre catholique.
La Laiterie coopérative de Rumes.
On nous écrit de Rumes :
Il vous sera sans doute agréable de recevoir quelques renseignements sur la laiterie coopérative de St-Pierre, dont la création a été décidée il y a deux mois.
Cette institution, à la fois économique et démocratique, est due à l'initiative et au dévouement de quelques hommes de cœur, l'élite des fermiers habitant les quatre communes affiliées à la laiterie : Rumes, Taintegnies, La Glanerie et Guignies. Parmi eux, nous devons mentionner tout spécialement l'honorable bourgmestre de Rumes, le distingué Président de la Coopérative si prospère des Cultivateurs du Hainaut. Il a été l'inspirateur et le principal organisateur de l'œuvre : aussi a-t-il été désigné d'une voix unanime comme Président du Conseil d'administration.
Disons tout d'abord comment la société s'est constituée. Un comité provisoire, composé de sept membres, a été formé. Ce comité a lancé un appel à tous les cultivateurs sans exception des quatre communes précitées. Dans cet appel, étaient exposés et les avantages de l'œuvre et le mode d'organisation qu'on comptait adopter. Cette circulaire se terminait par une conclusion pratique : « Nous avons le ferme espoir, disaient les signataires, que vous reconnaîtrez les avantages qui vous sont offerts et que vous voudrez bien signer les bulletins d'adhésion qui vous seront prochainement présentés. » Et sans plus tarder, comme fut dit, fut fait. Les membres du comité provisoire, avec l'aide du clergé paroissial, visitèrent tous les cultivateurs de leurs communes respectives. Eclairant les uns, encourageant les autres, dissipant les défiances que rencontrent naturellement au village une œuvre nouvelle et un engagement pécuniaire, ils obtinrent des convaincus non seulement la souscription au bulletin d'adhésion, mais un premier versement de dix francs par vache engagée, le reste de l'action, c'est-à-dire quarante francs, devra être payé après l'achèvement des travaux.
Avec le précieux concours de M. le Chanoine Douterlungne, le zélé Directeur des Œuvres sociales du diocèse, et de M. l'abbé Berger, l'éminent professeur d'agriculture d'Enghien, les statuts furent promptement élaborés et modelés sur les statuts de la laiterie de Flobecq. Le 27 Juin, l'assemblée générale se réunissait à Taintegnies, et dans sa convocation, le Comité provisoire annonçait en ces termes les résultats acquis : «Le nombre des adhérents à notre laiterie a dépassé de beaucoup nos espérances. Les vaches inscrites sont actuellement au nombre de 364. » Ajoutons que ce nombre s'est encore accru.
L'Assemblée générale a approuvé les statuts à l'unanimité.
Le Conseil d'administration est composé de deux membres par commune, nommés par l'Assemblée au scrutin secret, et des curés de chacune des communes, membres de droit. Conséquemment, outre MM. les curés de Rumes, Taintegnies, La Glanerie et Guignies, ont été nommés administrateurs :
Pour Rumes : MM. Henri Cuvélier, bourgmestre, et Charles Vion.
Pour Taintegnies : MM. Joachim Dutrieux et Adolphe Dutrieux.
Pour La Glanerie : MM. Maton, bourgmestre, et Louis Liermin.
Pour Guignies : MM. F. Languy et Louis Alexandre.
Ont été ensuite nommés membres du Conseil de surveillance :
MM. Edmond Allard, fermier à Guignies ; Jean Hessler, vicaire à Rumes ; Louis Rasmont, vicaire à Taintegnies.
On ne pouvait faire meilleur choix, avouons-le. Capables, dévoués et, nous pouvons le dire, absolument désintéressés (puisqu'ils administrent gratuitement), ces Messieurs ne peuvent manqué [sic] de mener à bonne fin l'œuvre qu'ils ont si excellemment instaurée.
Je ne m'étendrai pas sur le but et les avantages de l'œuvre. Ils ont été exposés en détail dans la circulaire inaugurale. Les laiteries sont maintenant assez répandues et connues dans notre pays, pour qu'elles puissent se passer d'éloges et de recommandations. La laiterie de Saint-Pierre a cependant un caractère particulier de bonne démocratie, qu'il importe de remarquer. Dans l'organisation, on a tenu à appliquer sainement l'adage cher aux socialistes : « La mine aux mineurs ». On a voulu que la laiterie soit aux cultivateurs, et pour cela qu'elle constitue une véritable coopérative. C'est pourquoi il a été décidé que la laiterie sera la propriété exclusive des cultivateurs qui fournissent le lait. Les statuts portent que chaque membre souscrit une action par vache : pas d'action sans vache, et autant d'actions que de vaches. Ainsi se trouve écartée l'intervention des capitalistes non-sociétaires : et chaque sociétaire est personnellement intéressé à la réussite de l'entreprise. Dans ces conditions, le problème n'était pas sans doute facile à résoudre : il eût été plus simple et plus aisé de construire l'usine avec l'apport de quelques prêteurs cossus. Mais l'œuvre devenait alors une entreprise purement financière, et perdait son cachet philanthropique et fraternel : et une partie des bénéfices était enlevée aux cultivateurs.
Un immense avantage qui en résultera, pour ces derniers, c'est que, groupés et unis dans la communauté d'intérêts, ils seront mieux outillés et plus forts pour soutenir la lutte formidable qui s'impose à eux, et sur le terrain économique (car unis pour la laiterie, ils pourront aussi se donner la main pour les autres opérations agricoles), et sur le terrain religieux et social, où ils ont à repousser les assauts du socialisme flatteur et menteur. Car, ainsi que le déclare franchement l'article 15 des statuts : L'œuvre entreprise ayant également un but moral et social, les membres sont tenus de respecter la Religion, la famille et la propriété, comme bases de toute société stable, et ils doivent se conduire en conséquence.
Et maintenant, en avant la construction ! L'adjudication du matériel est presque terminé [sic], l'achat du terrain va être conclu de ces jours-ci, et point capital, un excellent Directeur est proposé. Espérons-le : avec l'aide de Dieu, la laiterie St-Pierre, élevée en pleine campagne aux confins des quatre villages fédérés, fonctionnera vers la Toussaint, à la grande satisfaction des producteurs et des consommateurs.
Le Courrier de l'Escaut, 18 juillet 1897. [sic]