
· Nos Gins d'ichi ·
Voici un exemple de découverte que l'on peut faire en parcourant de vieux journaux...
Y a-t-il eu conspiration du silence après une bévue ?
un malentendu ? une méprise ? un quiproquo ? ou... une mystification ! une supercherie ! ?
Pour rappel, la Curiosité № 19 vous offre deux machines à remonter le temps !
≈ sic !
(les erreurs évidentes et les fautes de frappe manifestes de tout ce qui suit
ont été corrigées presque systématiquement, de même que la ponctuation ;
parfois, elles ont été reproduites, afin d'en garder,
au sein de formulations surannées, la plaisante patine désuète)
Nous sommes le 31 juillet 1904,
à Wez-Velvain, rue du Veillé, presque devant l'église Saint-Piat.
?
Dans le supplément au Journal de Bruxelles du 15 janvier 1903, l'on pouvait lire sous la rubrique "Blason populaire – Les sobriquets des localités belges" ce qui suit, concernant les "Babénots" de Wez-Velvain et "L'arrivée du roi" à Wez :
Depuis un temps immémorial, les malins des villages voisins appliquent aux habitants de Wez-Velvain, en Tournaisis, le sobriquet de "Babénots", équivalent, semble-t-il, de naïfs, niais.
Un écrivain tournaisien, Fr.-J. Bozière, auteur de "Tournai ancien et moderne", dit, dans ses "Souvenirs et légendes de l'ancien Tournaisis" (Feuille de Tournai, 1855 à 1859), que, loin de justifier cette réputation de niaiserie, les Wézois sont capables de rendre des points à tous les loustics à dix lieues à la ronde, et que le contact journalier qu'ils ont, par leurs ouvriers – maçons, plafonneurs, charpentiers – avec les Tournaisiens – gens spirituels s'il en fût – suffirait "pour leur donner plus de finesse qu'ils n'en ont reçu du bon Dieu".
Quoi qu'il en soit, ces bons Wézois furent, un jour, victimes d'une exhilarante méprise dont le souvenir est conservé avec soin dans la région.
C'était en l'an de grâce 1854, au mois de septembre, lorsqu'il plut au roi Léopold Ier d'annoncer sa visite à l'antique capitale des Francs. Retenu à Bruxelles par une légère indisposition, Sa Majesté avait envoyé ses augustes enfants à Tournai, en attendant qu'il pût s'y rendre lui-même. Enfin, le magistrat apprit que le monarque devait arriver le lendemain. Afin de ne pas priver les campagnards de la vue du souverain bien-aimé, on envoya des messagers dans tous les sens avec mission d'annoncer partout la bonne nouvelle. Un de ces hommes, traversant Wez au triple galop, cria, sans autre explication : "Tôt, tôt ! Préparez-vous donc : le roi arrivera à trois heures." Les Wézois crurent que Léopold allait honorer de sa présence leur village, et, aussitôt, les estimables "Babénots" firent des préparatifs pour le recevoir dignement. Les autorités civiles, auxquelles se joignirent les autorités militaires de la commune, composées du garde-champêtre et des chefs de la Société des Archers, ordonnèrent de planter des sapins et de décorer les maisons de rideaux de lits.
Le drapeau flotte à la maison communale et au haut du clocher. On graisse les battants des cloches. L'organiste de l'endroit répète ses plus beaux morceaux. Les édiles villageois se débarrassent de leurs sabots et de leur bonnets de coton pour revêtir l'habit et ceindre l'écharpe officielle. Le maître d'école compose le discours de bienvenue. Enfin, tout est prêt pour la réception.
Des vedettes sont placées à la limite du bourg, des guetteurs sont nichés dans les combles du clocher. Mais l'après-midi passe sans que l'on voie venir le roi.
À la tombée de la nuit, les ruraux de Lesdain et de Guignies, revenant de Tournai, rencontrèrent, du côté de Saint-Maur, la députation, musique en tête, attendant toujours avec patience l'arrivée du souverain. Il fallut bien se rendre à l'évidence : Léopold était allé à Tournai, et non à Wez. Tout penauds, les Wézois rentrèrent dans leurs foyers.
[...]
Cette désopilante aventure, dont tous les journaux de l'Europe ont retenti, fut célébrée, sur tous les tons, en prose et en vers. Les gens de Wez, rapporte notre auteur contemporain, furent tellement ahuris des brocards sur la joyeuse entrée, que, dans la malheureuse commune, on agita sérieusement la question de savoir si l'on n'abandonnerait pas la terre natale pour émigrer en masse au Texas.
[...]
Vous lisez bien la 38e Curiosité. Son numéro pair annonce la couleur guignisienne. Le héros de cette histoire habitait Guignies et y repose toujours.
une méprise simplement exhilarante ?
"Tôt, tôt !" : lisez Chaud ! Chaud (devant) ! Étymologiquement, "tôt" se rattache aux mots "torride", "torréfier".
Chez Bozière, "auteur contemporain" dont les feuilles serviront de référence à tant d'autres qui se pencheront sur cette "désopilante aventure", pas de trace de notre héros !
Alors ?

Allons donc faire un tour en 1854...
Le Courrier de l'Escaut du 15 juillet 1854
Chronique locale.
Par ordre du jour en date du 12 de ce mois, M. le lieutenant-colonel commandant la légion de garde civique de cette ville appelle l'attention de tous les membres de ladite garde sur la nécessité d'assister, chaque quinzaine, à des exercices volontaires, afin de pouvoir exécuter, convenablement, les manœuvres d'ensemble qui auront lieu, le 12 septembre prochain, à l'occasion de la revue qui sera passée par le Roi. Nous avons la conviction que la généralité de nos concitoyens répondront à l'appel de M. le commandant de la garde, car ils tiendront à honneur de prouver au Roi, aux princes et aux nombreux étrangers qui assisteront à cette grande solennité militaire, que la milice bourgeoise, à Tournay, ne le cède en rien à celles de toutes les autres localités du royaume.
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Le Courrier de l'Escaut des lundi 11 et mardi 12 septembre 1854
[...]
Tournay est fier de recevoir à son tour dans son sein ces membres d'une famille chérie. Il s'est paré avec un luxe inouï pour ce grand jour et son amour a éclaté en mille décorations brillantes. Son enthousiasme sera au comble lorsque ses augustes hôtes auront mis le pied dans ses murs, et partout, nous en avons la certitude, ils recueilleront sur leur passage de ces marques d'affection et de respect que l'on n'oublie jamais.
Tenu loin de nos fêtes par une indisposition qui heureusement n'a rien de grave, le Roi saura, par ses enfants, comment Tournay aime et sait fêter son souverain et nos acclamations réjouiront son cœur.
♦♦♦♦♦
Dimanche, 7 heures du soir.
Nous recevons à l'instant l'avis suivant :
"La Députation de l'Administration Communale qui s'était rendue à Bruxelles est de retour. Elle annonce que le refroidissement dont S.M. est atteinte, depuis la fête militaire du camp de Beverloo, paraît ne devoir entraîner aucune suite sérieuse. S.M. est mieux, et, si cette amélioration se soutient, le Roi arrivera à Tournay mardi prochain.
"S.M. a été très-contrarié de ne pouvoir satisfaire jusqu'ici aux vœux de notre population. Elle désire vivement que son rétablissement lui permette de visiter notre ville."
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Le Courrier de l'Escaut du jeudi 14 septembre 1854
Arrivée du Roi
Enfin il est venu Celui que toute notre population attendait avec un enthousiasme impatient d'éclater ! Enfin il est venu le Roi dont cinquante mille âmes pressaient de tous leurs vœux l'arrivée dans nos murs !
Dès hier matin, sa venue était enfin certaine et nous nous étions hâtés de faire connaître à tous nos lecteurs la bonne nouvelle, désormais hors de tout doute. Elle s'était répandue dans notre ville avec la rapidité de l'éclair et partout elle avait augmenté la joie déjà si grande produite parmi nous par la présence des augustes fils et filles de notre monarque, l'affection chaleureuse de toute cette foule déjà si expansive la veille dans ses démonstrations.
À deux heures et demie, toute la ville était en mouvement : à trois heures, le Roi, attendu à la station par toutes les autorités et par LL. AA. RR. le duc de Brabant et le comte de Flandre, arrive enfin, au bruit cent fois répété du canon de la garnison, des canons de nos pilotes et aux sons des cloches de toute la ville. Il est salué dès l'abord par les acclamations les plus chaleureuses que puisse pousser un peuple autour du meilleur des Rois.
[...]
(... du même journal ...)
Nous avons dit dans notre dernier № que lundi à six heures la Famille Royale a assisté au banquet que lui offrait la ville. Ce banquet a été ce qu'il promettait d'être. La salle des Concerts où il était donné avait reçu, pour cette grande circonstance, une décoration charmante, et la table avait été dressée par Dubost de Bruxelles, ce qui dit tout. [...]
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Le Courrier de l'Escaut du 16 septembre 1854,
sous la plume de J. P. (?)
Une personne de Wez nous adresse la lettre suivante qui nous fait connaître un incident comique et intéressant à la fois du séjour de notre Roi à Tournay.
Monsieur l’Éditeur,
Voici un quiproquo qui prouve clairement jusqu'à quel point notre bon Roi est aimé aussi bien dans les campagnes que dans les villes.
On sait que des avis officiels ont été transmis par le Collège échevinal de Tournay, lundi soir, à tous les bourgmestres des communes environnantes, pour les informer de l'arrivée du Roi à Tournay où l'on avait craint jusque-là de ne point voir S.M. En l'absence du bourgmestre de la commune de Wez, son secrétaire reçut cet avis, en prit connaissance ; et soit qu'il l'eût lu trop rapidement pour en bien saisir le sens ; soit que le mot de Roi, qui est un mot magique pour tous les Belges sous le gouvernement de Léopold, lui eût fasciné l'intelligence, il crut que cet avis lui annonçait l'arrivée du Roi dans la commune. Vous comprenez combien une pareille information dut faire tressaillir le cœur de notre secrétaire qui est profondément patriote.
Aussitôt des émissaires sont envoyés par lui chez les principaux fermiers, pour les informer de cette heureuse nouvelle, avec prière de réunir tous leurs ouvriers au centre de la commune, afin de procéder immédiatement à l'ornementation des chemins par où devait passer le cortège royal. Tout fut employé pour assurer le succès de cette première mesure : les cloches furent mises en branle, trompettes, clairons, porte-voix, rien ne fut négligé : au bout d'une heure, il ne restait plus un ouvrier sur les champs.
La besogne du secrétaire ordonnateur, quoique déjà fort avancée, était cependant loin d'être terminée. Il fallait maintenant plus que de l'activité, il fallait de l'habileté. Rien ne le déconcerte, son zèle intelligent lui fait surmonter toutes les difficultés.
Le résultat de ses habiles combinaisons le prouva d'une manière bien évidente. Car, sans entrer dans un long détail des moyens qu'il met en œuvre, pour improviser à notre Auguste Monarque une réception digne de figurer dans l'histoire, à côté de celle qui lui a été faite à Tournay, il suffit que vous sachiez, M. l'éditeur, qu'en moins de deux heures, tout était distribué, organisé et disposé convenablement. Le drapeau tricolore flottait au clocher ; tous les jardins avaient été mis à contribution pour former à la hâte quelques guirlandes des plus belles fleurs qu'on y trouva. Aux arbres qui bordent le chemin par où devaient passer les illustres visiteurs, était appendue une grande partie de la toilette des dames du village. Pour une réception aussi soudaine, il n'était guère possible d'employer d'autres objets de décoration que ceux qui se présentaient sous la main.
Des hommes à figures martiales furent postés sur les bords de la route jusqu'à l'extrémité du village. Là se trouvait un groupe de musiciens disposé à jouer un air patriotique à l'arrivée de la Famille Royale. Mais tant de dévouement ne fut pas récompensé. Ô fragilité des espérances humaines ! Chacun resta fidèlement jusqu'au soir au poste qui lui était assigné ; et ma Sœur Anne eut beau lorgner et regarder de tous côtés, elle ne vit rien venir. Enfin, après une si longue attente, une si pénible corvée, on ne vit rien de mieux à faire que de retourner chacun chez soi, tout désappointé de n'avoir pu contempler les traits de celui dont la sagesse est à si juste titre profondément gravée dans tous les cœurs.
Agréez, M. l'éditeur, etc.
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Et maintenant, un saut dans le temps : nous sommes en 1904...
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Le Courrier de l'Escaut du 2 juillet 1904
Wez-Velvain
De grandes festivités auront lieu à Wez le dimanche 31 juillet prochain en commémoration d'un incident local remontant à 50 ans.
Voici brièvement le récit de cette singulière aventure.
C'était en 1854, Sa Majesté le Roi Léopold Ier était attendu à Tournai. Des messagers avaient été dépêchés dans les environs pour annoncer la visite royale. Ce message verbal donné en phrases laconiques par un courrier à cheval qui ne fit que traverser la commune de Wez fut mal compris, et les gens de ce village crurent à l'arrivée du Roi à Wez le jour même, et non à Tournai. Aussi, les habitants s'empressèrent-ils de faire les préparatifs d'une réception digne de leur Auguste Visiteur ! On dresse des arcs de triomphe ; on plante les chemins de haies de sapins ; on pavoise les maisons ; la verdure et les fleurs sont semées à foison ; des étendards sont arborés partout ; et jusqu'aux draps de lit et mouchoirs sont mis en réquisition pour simuler les drapeaux. Le maître d'école prépare le discours de circonstance et la société de musique se porte à la rencontre de Sa Majesté. Amère déception ! On attendit vainement l'arrivée du bon Roi !
Cette méprise eut un grand retentissement et donna lieu à des quolibets et à des chansons qui sont restées populaires.
À nos lecteurs qui trouveront cette anecdote désopilante de trop minime importance pour qu'ils s'y arrêtent, et à ceux qui trouveront de mauvais goût le récit de cette histoire que certains goguenards pourraient tourner en dérision nous leur répondons par ces paroles de Victor Hugo :
"Est-ce que ce n'est pas là une belle histoire et qui vaut tout aussi bien la peine d'être remémorée que les grandes batailles et les mariages des rois ? Il faut pourtant ramasser cela dans la mémoire du peuple. Les historiens dédaignent ces détails ; ils disent que c'est petit ; moi, je déclare que c'est grand."
Le programme détaillé des fêtes paraîtra prochainement. Il y aura un festival international, grand cortège, cavalcade avec chars des industries locales, etc.
Les organisateurs travaillent d'arrache-pied pour donner à la fête le plus d'éclat possible. Nul doute du succès, s'ils sont gratifiés le 31 juillet d'une journée ensoleillée.
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Le Courrier de l'Escaut du 14 juillet 1904
Wez
UN CINQUANTENAIRE ORIGINAL.
C'est tout un événement dans la commune et les environs que les fêtes que l'on prépare pour célébrer, à la date du 31 juillet prochain, le cinquantenaire de cette singulière aventure locale dont on vous a conté l'histoire. Les Babénos (c'est ainsi que l'on désigne communément de temps immémorial les gens de ce mémorable village) conserveront longtemps un joyeux souvenir de ces festivités.
Déjà les préparatifs ont commencé et on travaille avec un entrain extraordinaire à la décoration des chariots qui doivent représenter les industries locales.
Voici un aperçu du programme des fêtes :
Festival international d'harmonies, de fanfares et de chants. L'Harmonie des Charbonnages de Bernissart prêtera son concours. Nous voudrions revoir ces braves houilleurs dans leur costume de travail et coiffés du chapeau de cuir bouilli surmonté de la lampe : cela ferait belle diversion dans le cortège. Match et courses pédestres entre les sociétés sportives Foot-ball Club Tournaisien et Foot-ball Club F.C. de Mouscron. Grand cortège cavalcade où figureront :
1. Piquet de gendarmes à cheval. 2. Groupe de cavaliers. 3. Sociétés d'agrément de la commune et de l'étranger. 4. Sa Majesté le Roi à cheval accompagnée de ses aides de camp. 5. Char de l'Agriculture. 6. Char de la Sucrerie. 6. Char des Pépiniéristes. 8. Char de la Tannerie. 9. Char de Gambrinus. 10. Char de l'Instruction primaire. 11. Groupe cycliste avec machines fleuries. 12. Ancienne voiture de poste (vraie curiosité) appartenant à M. le comte du Chastel. Cette voiture dont il n'existe plus que quelques spécimens en Belgique a parcouru la ville de Bruxelles lors du cinquantenaire de l'inauguration des chemins de fer en Belgique.
Un trône sera élevé sur la Grand'Place ; le Roi, après avoir parcouru la commune, descendra de cheval, et gravira les marches du trône, salué et acclamé par la foule et par une vigoureuse Brabançonne. Une cantate patriotique sera chantée par les élèves des écoles : il y aura discours à Sa Majesté et une jeune fille vêtue de blanc lui remettra une gerbe de fleurs. Puis musiques et chanteurs exécuteront les chansons restées populaires de l'Arrivée manquée du Roi à Wez, en 1854.
Si le beau temps se met de la partie, il y aura foule à Wez ce jour-là.
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Le Courrier de l'Escaut du 28 juillet 1904
Wez
On nous écrit :
La fête du cinquantenaire de "l'Arrivée du Roi à Wez", qui aura lieu dimanche prochain, promet de surpasser en beauté toutes celles qu'on a pu voir jusqu'ici dans nos environs, et les organisateurs travaillent avec ardeur aux derniers préparatifs.
Les chars seront de toute beauté.
Le char de l'agriculture, dont on dit merveille, sera traîné par quatre énormes bœufs blancs nivernais attelés au joug, ce qui ne sera pas sans curiosité pour ceux qui ne connaissent que de nom ce mode d'attelage. Il sera escorté par des ouvriers agricoles en tenue de travail : semeurs, faneurs, batteurs en grange et coquettes laitières.
Le char des pépiniéristes, véritable jardin aérien planté d'arbustes et de fleurs naturelles et variées, sera très attrayant et fera certainement sensation. Il sera conduit par quatre superbes chevaux entièrement enguirlandés de roses.
Les chars de la tannerie, de la brasserie, de la sucrerie et de l'instruction primaire seront aussi de véritables attractions et réserveront aux curieux d'agréables surprises.
L'antique voiture de poste de M. le Comte du Chastel figurera un gentilhomme en voyage avec sa dame. Postillons, serviteurs seront en costumes de 1815-1830. Les voitures de ce genre, appelées "dormeuses" du temps de Napoléon Ier, sont devenues extrêmement rares.
Le Roi monté sur un fringant et pimpant palefroi, escorté de ses aides de camp, parcourra triomphalement les rues du village décorées et fleuries pour la circonstance.
Si on ajoute à cela les sociétés d'agrément et 21 sociétés de musique qui déverseront tour à tour dans nos rues les inépuisables flots de leur harmonie, on peut se rendre compte de ce que sera le cinquantenaire de la visite manquée du Roi à Wez en 1854.
Nul doute qu'il y aura à Wez une foule innombrable d'étrangers pour crier avec nous : "Vive notre Roi !" Car, ne l'oublions pas, cette fête villageoise est une fête patriotique et monarchique. Les Wézois de 1904 sont aussi fidèles à leur Roi que leurs frères de 1854 l'étaient à son auguste prédécesseur.
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Le Courrier de l'Escaut du 31 juillet 1904
Les "Babénos" de Wez
La population de Wez a voulu commémorer par des festivités le cinquantenaire de la joyeuse mystification dont tout le village fut l'objet en l'an 1854. Nous croyons intéressant de rappeler cette histoire, dont nous empruntons le récit aux "Légendes et Souvenirs du Tournaisis", de Bozière [...]
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Le Courrier de l'Escaut du 2 août 1904
Wez
Les fêtes du 31 juillet
Les festivités organisées dimanche, à l'occasion du "Cinquantenaire de l'arrivée (!) de S.M. le Roi à Wez-Velvain", ont été couronnées du plus grand succès.
Dès le midi, le riant village était littéralement envahi. Le long des chemins, c'étaient des files interminables de véhicules de toute espèce, amenant des milliers de visiteurs des localités environnantes et du Nord de la France, pendant que les trains déversaient aux gares voisines de gros contingents de voyageurs.
Les sociétés étrangères arrivaient bientôt ; de nombreux corps de musique jouant les pas-redoublés les plus retentissants, venaient jeter partout la note joyeuse, encore accentuée par un temps splendide.
Le cortège, précédé d'un piquet de gendarmes du plus imposant effet, se mit en route, ayant en tête la fanfare Sainte-Cécile, de Wez-Velvain. Suivaient ensuite les diverses sociétés : archers de Saint-Sébastien, le Foot-ball club de Mouscron, jeu de boules St-Nicolas, l'harmonie du charbonnage de Bernissart dont les membres portent le costume de mineur avec le casque en cuir et la lampe, les archers Jean Darras, le Foot-ball club tournaisien, les fanfares l'Écho de la Frontière de Rongy, et les Volontaires-Réunis de Rumes, la Chorale la Fraternité de Tournai, les fanfares de Bailleul et de Bléharies, l'Orphéon de Petit-Ronchin, la fanfare cycliste d'Antoing et la Fraternité de Jollain-Merlin, l'harmonie la Renaissance de Taintegnies, les fanfares la Jeune Garde de Bruyelles et la Concorde de Péronne, la chorale "Fédération tournaisienne", l'Harmonie de Rumes, la chorale Bruyelles, la fanfare Ste-Cécile de Maubray, société de gymnastique, l'harmonie communale d'Hollain, la fanfare communale d'Ère, groupe de cyclistes, la fanfare de S.A. le Prince de Ligne, de Péronne, et celle de Vezon.
Entre les sociétés étaient répartis les différents groupes et chars, de toute beauté et témoignant d'un goût parfait. À tout seigneur tout honneur : c'est d'abord Sa Majesté le Roi, très digne, comme il convient à un souverain visitant ses amés et féaux sujets. Le Roi est en uniforme de lieutenant-général, le chef orné du claque officiel ; ses deux aides de camp l'accompagnent. Puis successivement, le char de l'Agriculture, avec ses grands bœufs nivernais attelés au joug, qui forment un attelage véritablement superbe ; le char des Pépiniéristes, surmonté d'un gracieux dôme de fleurs, le char de la Tannerie, sur lequel des ouvriers travaillent avec ardeur aux différentes préparations du cuir ; le char de l'Industrie sucrière, très original avec les cuves et les appareils de cuivre servant à la fabrication du sucre ; le char de l'Instruction primaire, garni d'un charmant essaim de jeunes enfants ; le char de Gambrinus, dont le personnage principal donne bien, dans sa large carrure et sa personne bedonnante, la physionomie d'un fervent disciple du dieu de la bière ; l'ancienne voiture de poste, datant de plus d'un siècle, qui a excité au plus haut point la curiosité générale : ce carrosse authentique a figuré au grand cortège de Bruxelles lors du cinquantenaire de l'inauguration des chemins de fer ; le char de la Charité, tout rempli d'une gracieuse jeunesse collectant au profit des pauvres et des victimes du travail ; un groupe de collecteurs.
Rien de plus animé, de plus agréable à voir que ce magnifique cortège se déroulant dans la campagne ensoleillée ou à travers les rues et les chemins du village, entièrement orné de portes royales, de guirlandes de verdure, pavoisé de drapeaux flottant joyeusement à toutes les fenêtres.
Le long du parcours, une foule énorme s'extasiait, enthousiasmée, poussant à chaque instant des cris répétés de : Vive le Roi !
N'oublions pas le personnage qui remplît déjà, il y a cinquante ans, le rôle de Souverain et qui suivait son successeur en calèche découverte, le torse barré d'une écharpe tricolore, saluant gracieusement la foule.
À l'arrivée sur la Place, le Roi s’installa sur une estrade et un discours lui fut adressé, rappelant les sentiments patriotiques des habitants de Wez en 1854 et assurant le Souverain des mêmes sentiments de la part des habitants de 1904 ; puis un chœur patriotique fut chanté par les enfants des écoles et la Brabançonne suivit, pendant que les cris de : Vive le Roi ! retentissaient de toutes parts.
La fête continua au milieu de l'entrain général ; les corps de musique et les sociétés de chant se rendirent à leurs kiosques respectifs, où les différents programmes furent exécutés et vivement applaudis. Des médailles commémoratives, don de M. le comte Ad. du Chastel, furent offertes à chaque société.
Le soir, un très joli feu d'artifice fut tiré et termina cette journée si bien remplie.
Les habitants de Wez peuvent être fiers : bien des localités d'importance plus grande n'auraient su mener à bien pareille entreprise, car, on peut le dire sans aucune exagération, le cortège était admirablement réussi dans toutes ses parties, chars et costumes, tout était parfait. Les organisateurs de la fête, MM. le comte Ad. du Chastel, Désiré Fourmy, H. Constant, B. Couplet, F. Mazure, ont droit à toutes les félicitations. Disons aussi que les participants ont émerveillé les visiteurs par leur attitude correcte.
Certes, le souvenir de cette belle fête restera gravé dans le cœur de tous les habitants de Wez et de tous ceux qui ont pu y assister.
On en parlera sous le chaume, bien longtemps...
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Le Courrier de l'Escaut du 7 août 1904
Wez
Le cortège de dimanche.
Nous avons rendu compte des fêtes organisées à Wez dimanche dernier et constaté le grand succès qu'elles avaient obtenu, auprès des nombreux visiteurs qui s'étaient rendus dans cette riante commune. Il nous reste encore quelques détails à donner au sujet des groupes et des chars qui ont figuré dans le cortège.
Les superbes harnachements du groupe royal étaient dus au travail de M. Genbauve.
Le char de l'Agriculture était complètement fait d'épis de blé, d'avoine, de fruits, de fleurs des champs, etc., formant de jolis dessins. Cérès, la déesse de l'agriculture, dominait le char ; une bergerie était gardée par de charmantes bergères et un groupe de moissonneurs et moissonneuses formaient l'escorte.
Le char des Pépiniéristes, avec son gracieux jet d'eau, formait un jardin mobile d'un admirable effet, dû au bon goût de MM. J. Guelton, R. Delrue, E. Guelton et A. Sirjacob, qui avaient mis à contribution les plus belles plantes de leurs pépinières. Quelques fillettes aux frais costumes disposées çà et là dans les fleurs en rendaient l'aspect charmant.
Le char de la Tannerie, de style esthétique, exécuté par les soins de M. L. Bacro, représentait bien l'industrie du cuir sous toutes ses formes. Entièrement décoré de peaux en poils, cuirs lissés, cuirs à courroies, peausseries de tous genres, il était surmonté d'un bœuf aux cornes gigantesques. Sur le premier plan travaillaient des tanneurs et lisseurs ; plus haut, le bourrelier entouré de harnais ; enfin, à l'étage supérieur, le cordonnier et la gracieuse chamarreuse s'appliquaient avec ardeur à la confection des chaussures. Ce char, d'un genre tout particulier, a été très admiré.
Le char de la Sucrerie, tout différent, a produit aussi le plus heureux effet. Dans le haut, était disposée une cuve en cuivre dont le couvercle surélevé et des tentures gracieusement disposées formaient un joli pavillon, d'où un essaim de charmantes petites filles jetaient à tous de délicieux bonbons. Sur le devant une machine à vapeur, des pompes et autres appareils en cuivre. Cet ensemble industriel était très original.
Le char de la Brasserie, construit sous la direction de M. A. Constant, était complètement formé de branches rustiques, de fleurs, et orné de riches draperies. Gambrinus y trônait sur un tonneau colossal, puis un groupe de gais lurons chantant la "Bière" de Clesse, et des villageoises cueillant le houblon, tous ces figurants portant des costumes brillants et très bien choisis. L'ensemble était des plus décoratif.
Le char de l'Instruction primaire était également très bien conçu : il représentait un groupe de jeunes garçons ayant en mains de petits drapeaux nationaux, et dominés par leur instituteur, M. Vico, prêt à expliquer sur une mappemonde la géographie du monde. Ce char, surmonté d'un dôme aux riches tentures, et orné des portraits de Sa Majesté Léopold II, était gracieusement offert par les religieuses du couvent St-Charles, qui, elles aussi, avaient voulu coopérer au succès de la fête.
L'ancienne chaise de poste qui date de plus d'un siècle, admirablement conservée, excitait la curiosité générale. À l'intérieur se trouvait un vénérable seigneur voyageant avec sa fille, tous deux en costumes du temps, ainsi que leurs sujets placés derrière.
Le char de la Charité était représenté par la jeunesse souriante, à qui l'on ne pouvait refuser une obole au profit des pauvres. D'autres collecteurs ont aussi beaucoup mérité par leur zèle infatigable.
Le groupe des cyclistes a été aussi très admiré, et en particulier une très gentille maisonnette roulante.
La réception du Roi sur la place a été d'une animation sans pareille, c'est M. H. Delannoy qui a adressé au souverain le discours patriotique au nom de la commune.
Comme nous l'avons dit, tous les organisateurs ont droit à de chaleureuses félicitations. Cependant nous devons adresser des éloges tout particuliers à M. B. Bacro, l'honorable président de la société de musique de Wez, pour le travail considérable et personnel dont il a fait preuve en cette circonstance. Honneur aux habitants de Wez qui ont su organiser une fête patriotique de si large envergure !
La 21e Curiosité a déjà mis l'eau à la bouche de beaucoup d'entre vous...
un quiproquo ?
Doit-on penser que Fr.-J. Bozière se soit inspiré de cet entrefilet ?
une singulière aventure ?
un incident local ?
... toujours une méprise (retentissante)...
... ou une anecdote (comique) !
... singulière aventure locale...
Tiens ! Tiens ! D'où sort-il, celui-là ?
Cliquez ici pour le voir, un bouquet de fleurs à la main. Et son successeur ? Voyez la fin de la page.
Mystification : action de tromper, de berner quelqu'un, le plus souvent pour s'amuser à ses dépens.
[...] le reste de l'article est encore et toujours du "Bozière", muet sur ... (voyez plus bas)



Peut-être ne s'agit-il pas de notre héros... mais ne loupez quand même pas son sobriquet !
Le Courrier de l'Escaut du 31 janvier 1858
Tribunal correctionnel de Tournay
Audience du 22 Janvier
[...]
César Lemaire, dit le Roi, journalier à Guignies, n'est pas le Roi des braconniers ; malgré toutes ses précautions, il se laisse prendre en flagrant délit de chasse, par le garde-champêtre d'Ère. Le maladroit braconnier s'entend condamner à 100 fr., et, en cas de non paiement, à 15 jours de prison.
[...]
Peut-être ne s'agit-il pas de notre héros... mais...
Le Courrier de l'Escaut du 28 mars 1903
Tribunal correctionnel de Tournai
Audience du 27 Mars
[...]
Arthur Willomme, maçon à Guignies, étant ivre, causait du scandale dans le cabaret de César Lemaire : le garde-champêtre Locufier, qui l'engageait au calme, reçut de violents coups de Willomme qui, peu de temps après, détruisit la porte de l'estaminet : il reçoit 62 jours et 93 francs d'amende conditionnellement.
[...]
... ce cabaret sis rue de la Tuilerie où habitait César Lemaire n'avait-il pas pour enseigne...
"Au Palais royal" ?
Étonnant, non ?
Le 27 mai 2017, dans le cadre de l'opération "Nos villages d'hier à aujourd'hui", le Centre de lecture publique et le Cercle d'histoire locale de Brunehaut organisaient une exposition au Foyer Saint-Brice de Wez. Découvrez-en l'essentiel ici, avec trois planches de Serdu sur l'affaire du Roi Léopold Ier ... qui n'est pas venu à Wez. (il s'agit de la version de Bozière, où n'apparaît point notre malicieux César...)
Juin 1996. En son 21e numéro, Reflet Flash, le magazine publicitaire qui dynamise sa région ! révélait la supercherie et le nom de son auteur : l'arrière-petit-fils de ce dernier ne laissant plus planer le moindre doute.

Hum ! il nous reste à découvrir qui était le nouveau faux roi de 1904... !